Usure

Usure
Partie usée d’une chose. / Action de ce qui use, dété­riore pro­gres­si­ve­ment.
Affai­blis­se­ment insen­sible, lente alté­ra­tion des forces vitales, des facul­tés intel­lec­tuelles, des réac­tions affec­tives d’une per­sonne.
Voilà qui est dit – l’usure m’use.
L’usure m’use corps et âme.
L’usure m’use jusqu’à la corde ; jusqu’à ma muse qu’elle est à même d’user, l’usure, c’est une pos­si­bi­lité qu’il me faut envi­sa­ger.
Ques­tion : Ma muse usée m’use-t-elle ?
Et l’usure, m’amuse-t-elle, l’usure ? Puis-je la prendre à la légère, en rire ?
Le dic­tion­naire m’en dis­suade : l’usure cette bou­gresse, attaque tous azi­muts – les pneus, le couple, le pou­voir, les dents…
Cette usu­rière capi­ta­lise sur mes fai­blesses.
Pire, l’usure est une gué­rilléra achar­née et sour­noise.
Son but assumé serait d’obtenir – de guerre lasse – ma red­di­tion .
L’usure pré­tend m’avoir à l’usure.
Me voilà pré­ve­nue.
Peu importe qu’elle soit accé­lé­rée, lente, pré­ma­tu­rée, super­fi­cielle, ses tour­ments sont sadi­que­ment variés et ses ravages, inexo­rables.
J’en doute ?
Le dic­tion­naire m’invite à passer des défi­ni­tions aux syno­nymes. Il est très en verve sur ce cha­pitre, le dic­tion­naire.
L’usure, me glisse-t-il, m’affaiblit, me fra­gi­lise, m’altère, me cor­rode, m’érode, me ronge, me dégrade, me flé­trit, me sape, m’épuise et m’exténue – et je m’étiole, m’alanguis, m’avachis, me flé­tris, dépé­ris ; c’est la dégrin­go­lade, la décré­pi­tude, la ruine. Autour de moi, on évoque ma las­si­tude ; cer­tains, hypo­cri­te­ment res­pec­tueux, mettent en avant mon ancien­neté ; d’autres, plus crus, parlent de vieillesse, puis de vétusté ; tous s’accordent sur ce fait : je suis deve­nue désuète, voire ana­chro­nique. Mon obso­les­cence est décré­tée dans la foulée, sanc­tion­née d’un ver­dict d’abandon à effet immé­diat, conclut le dic­tion­naire avec un brin d’emphase.
Sur quoi je hausse les épaules, le trai­tant de vieux bougon archaïque et sur­anné – tu accordes à cette dia­blesse bien trop d’importance, bien trop de lignes, c’est dou­teux – serais-tu com­plice ? – et de plus… de plus, per­mets-moi de te dire que tu n’es plus du tout à la page ; une petite mise à jour te ferait le plus grand bien, et je te pro­pose de m’y atte­ler illico, qu’en dis-tu ?, achevé-je avec aplomb.
Piqué au vif, mon docte com­pa­gnon se saisit des pre­miers mots à sa portée ; il me traite d’usurpatrice, et m’assure d’une voix sépul­crale et le doigt dressé que le moment venu ma déchéance sera totale – et ne reven­dique même pas l’usufruit d’un tiroir oublié au fin fond d’un manoir reculé, me lâche-t-il avant de se refer­mer d’un bruit sec.

Cel­lule rongée aux mites, 2017 – 18
Série des Sen­ti­men­tales Dis­sec­tions

Note sur l'observation des cellules

Arthur E. Smith réalisant une microphotographie. À ce sujet, voir le livre publié en 1909 par Richard Kerr : Nature through Microscope & Camera.
Arthur E. Smith réa­li­sant une micro­pho­to­gra­phie à l’aide d’une chambre pho­to­gra­phique qu’il avait cou­plée avec un micro­scope. Une sélec­tion de ses micro­pho­to­gra­phies sera publiée en 1909 par Richard Kerr, dans le livre Nature through Micro­scope & Camera.

Voici une liste amusée et non exhaus­tive de cel­lules méta­pho­riques à scru­ter… voyons ça de plus près :

Explo­sion de la cel­lule sous pres­sion – Scis­sion de la cel­lule trop pleine – Expan­sion de la cel­lule colo­ni­sa­trice – Frag­men­ta­tion d’une cel­lule apeu­rée – Cel­lule emmê­lée – Cel­lule encom­brée – Cel­lule obs­truée – Cel­lule remuante et son noyau pro­pul­seur – Noyau inquiet – Cel­lule immuable et son noyau sans âge – Cel­lule instable et son noyau insai­sis­sable – Cel­lule orphe­line – Cel­lule mari­got et son noyau envasé – Cel­lule délais­sée – Cel­lule obso­lète – Cel­lule pri­mi­tive – Cel­lule archaïque au noyau pétri­fié – Cel­lules cor­ré­la­tives – Cel­lules sia­moises et leur noyau conflic­tuel – Cel­lule-mère – Cel­lule déser­tée – Cel­lule glou­tonne et ses ten­ta­cules rétrac­tiles – Cel­lule alié­née et ses cel­lules intruses…

Le cerveau selon René Descartes

L’homme de René Des­cartes et La For­ma­tion du Foetus avec les remarques de Lovis de la Forge à quoi l’on a ajouté Le Monde ou Traité de la Lumière du même auteur.

Cin­quième partie : De la struc­ture du cer­veau de cette machine et com­ment les esprits s’y dis­tri­buent pour causer les mou­ve­ments et les sen­ti­ments.
[…] Secon­de­ment, pour ce qui est des pores du cer­veau, ils ne doivent pas être ima­gi­nés autre­ment que comme les inter­valles qui se trouvent entre les filets de quelque tissu : car en effet tout le cer­veau n’est autre chose qu’un tissu com­posé d’une cer­taine façon par­ti­cu­lière, que je tâche­rai ici de vous expli­quer.
Conce­vez la super­fi­cie AA, qui regarde les conca­vi­tés EE, comme une résille ou lacis assez épais et pressé, dont toutes les mailles sont autant de petits tuyaux par où les Esprits Ani­maux peuvent entrer, et qui regar­dant tou­jours vers la glande H, d’où sortent ces Esprits, se peuvent faci­le­ment tour­ner ça et là vers divers points de cette glande
[…] et pensez que de chaque côté de cette résille il sort plu­sieurs filets fort déliés dont les uns sont ordi­nai­re­ment plus longs que les autres ; et après que ces filets sont diver­se­ment entre­la­cés en tout l’espace marqué B, les plus longs des­cendent vers D, puis de là, com­po­sant la moelle des nerfs se vont épandre par tous les membres.[…]

Le cha­pitre LXIV de cette cin­quième partie se pro­pose ensuite d’expliquer Com­ment se fait la dis­tri­bu­tion des Esprits et d’où vient l’éternuement, et l’éblouissement ou ver­tige.
Il faut savoir que ces Esprits sont de nature remuante, et qu’ils n’ont de cesse de se dépla­cer. Ainsi […] à mesure qu’ils entrent dans les conca­vi­tés du cer­veau EE, par les trous de la petite glande mar­quée H, ils tendent d’abord vers ceux des petits tuyaux a,a, qui leur sont le plus direc­te­ment oppo­sés ; et si ces tuyaux a,a, ne sont pas assez ouverts pour les rece­voir tous, ils reçoivent au moins les plus fortes et les plus vives de leurs par­ties, pen­dant que les plus faibles et super­flues sont repous­sées vers les conduits J,K,L, qui regardent les narines et le palais ; à savoir les plus agi­tées vers I, par où, quand elles ont encore beau­coup de force et qu’elles n’y trouvent pas le pas­sage assez libre, elles sortent avec tant de vio­lence, qu’elles cha­touillent les par­ties inté­rieure du nez, ce qui cause l’éternuement ; puis les autre vers K et vers L, par où elles peuvent faci­le­ment sortir, parce que les pas­sages y sont fort larges ; ou si elles y manquent, étant contraintes de retour­ner vers les petits tuyaux a,a, qui sont en la super­fi­cie inté­rieure du cer­veau, elles causent aus­si­tôt un éblouis­se­ment, ou ver­tige, qui trouble les fonc­tions de l’imagination […]
Pour lire l’ouvrage de Des­cartes dans sa seconde édi­tion, revue et cor­ri­gée de 1677, c’est ici sur Gal­lica.

Déplacements

Va-et-vient entre ce qui est peint, des­siné ou brodé, la photo, l’image numé­rique et l’impression.
Pour rejouer, créer de nou­veaux états dont je m’applique à conser­ver la trace… avant de les remettre en jeu.
Tran­si­tions, glis­se­ments, varia­tions, trans­for­ma­tions.
Le temps est au cœur de ce pro­ces­sus. 
Le temps qui passe, aussi bien que le temps qu’il fait.
Com­ment passe le temps qui passe ?
Explo­ra­tions chro­no­lo­giques et influences météo­ro­lo­giques.
Voyages.

De gauche à droite : Affleu­re­ment, dessin sur papier de soie – Affleu­re­ment / Mai 2005, bro­de­rie pour un ex-voto – Affleu­re­ment 27/11/2009 — 19.39 heures, image numé­rique de la série des Sen­ti­men­tales dis­sec­tions

Glissements

Dans un carnet de notes, la photo d’une bro­de­rie qui fut buis­son de corail avant que je ne la tranche pour en gref­fer les restes autour d’un cœur ravaudé : Reprise / Décembre 2004.

Reprise / Décembre 2004
toile de lin ravau­dée et appli­ca­tion de frag­ments sauvés d’une pré­cé­dente bro­de­rie
2004