Le cœur gros

Le cœur, c’est ce que je crois donner. Chaque fois que ce don m’est ren­voyé, c’est alors peu de dire, comme Wer­ther, que le cœur est ce qui reste de moi, une fois ôté tout l’esprit qu’on me prête et dont je ne veux pas : le cœur, c’est ce qui me reste, et ce cœur qui me reste sur le cœur, c’est le cœur gros : gros du reflux qui l’a rempli de lui-même (seuls l’amoureux et l’enfant ont le cœur gros).

Roland Barthes, Frag­ments d’un dis­cours amou­reux (Le cœur § 3)

Les images modestes

Je retrouve les notes à l’origine des Images modestes :

Le 4 nov. 2008 : […] deuxième volet des Romances. Les sœurs peintes, racon­tées de celles-ci.
Des images, comme ces petites repro­duc­tions de pein­tures sacrées enfer­mées dans le missel de ma grand-tante et que j’aimais regar­der. Cer­taines étaient impri­mées, d’autres peintes – et elle y tenait beau­coup.
Il va y avoir le corps phy­sique, la romance cousue brodée emper­lée déchi­rée répa­rée etc., conser­vée dans sa boîte à papillons, cof­frets sombres soies de cou­leur ; et l’image peinte — nar­ra­tion, reprise, varia­tions : il s’agit de rejouer la romance.
[…] Sou­ve­nir, que je ne par­viens pas à situer, d’une petite pein­ture à la gouache, très humble, un peu mal­adroite, appli­quée, émou­vante, punai­sée sur un mur… image floue venue je ne sais d’où mais qui me touche et me pour­suit. […]
Le 19 nov. 2008 : […] La petite image avait été collée sur un carton gris peut-être habillé d’un reste de papier peint. Puis accro­chée au mur, à côté du lit, comme une caresse, une pré­sence bien­veillante.
C’est ce rap­port à la pein­ture, simple, humble et chargé d’affectivité que j’ai envie de racon­ter. […]
Le 12 nov. 2009 : […] À l’origine du projet donc, ces petites images sans grande valeur mar­chande, mais choi­sies, enca­drées avec soin (non pas un enca­dre­ment com­plexe ou coû­teux mais la volonté d’affirmer que cela comp­tait, avait de la valeur jus­te­ment) et posées en bonne place, sans aucune osten­ta­tion, sans vou­loir épater qui que ce soit, mais sous le regard, pour soi, pour accom­pa­gner la vie.[…]
Dépla­ce­ment des Romances vers l’image des Romances.
Choix de l’image numé­rique, impri­mable, comme image de quatre sous.
Une image appro­priable, mobile, proche. Sans autre valeur que celle que lui donne le regard qui se pose dessus — pour ce qu’elle lui remé­more ou lui raconte de son modèle, hors de portée ou dis­paru.
Il s’agit au fond de com­ment on s’organise avec ça : l’absence, l’éloignement. De com­ment on lutte contre l’oubli, com­ment on comble les dis­tances. Des fic­tions que l’on construit à partir de cela.

Absence / Mai 2008
Bro­de­rie reprise de perles sur drap de lin usé
16,5 x 17 cm (hors cadre)
2008.